MILLAU - EGLISE NOTRE-DAME L’instrument   Dans son ouvrage L’Orgue de Notre-Dame de Millau, Robert Ardourel retrace avec beaucoup d’intérêt l’histoire des orgues des XVe, XVIe et XVIIIe siècles qui ont précédé le Grand Orgue actuel construit en 1873-74 par le Facteur d’orgues Thiébaut Maucourt (1). Nous lui empruntons la majorité de ces lignes (entre « »).   «L‘instrument de Notre-Dame fut commandé à ce facteur albigeois en raison de ses attaches dans la région. Puget est ainsi écarté, qui avait pourtant travaillé pour le Conseil de Paroisse en 1845. On avait tout d’abord rêvé d’un instrument à 3 claviers et 26 jeux. Les dures réalités financières ne permirent de mettre en place que 2 claviers manuels (Grand Orgue de 54 notes ; Récit de 42 notes ; pédalier de 25 marches) et 22 jeux. Cela en coûta... 16 mille francs à la Paroisse qui ajouta 400 francs pour orner le Buffet des statues de Sainte Cécile et du Roi David. Le Facteur avait racheté l’ancien orgue pour la somme de 2 500 francs.   Maucourt acheva le travail en une année et l’instrument fut inauguré le 30 juillet 1874 (2) par M. Leybach, organiste de la Métropole de Toulouse. La presse locale se fait l’écho de la satisfaction générale et en particulier de celle de l’organiste toulousain qui a apprécié "l’habileté du facteur, l'excellence de l'instrument, la vigueur du Grand Jeu, la délicatesse dans les timbres des jeux de détails tels que voix céleste, flûte harmonique, gambe, flûte traversière, hautbois, voix humaine, trompette harmonique. M. Maucourt, non content de remplir les conditions du devis, les a de beaucoup dépassées.»   Solidement construit, l'instrument a fonctionné sans problème majeur jusqu’à nos jours. Le Livre de Paroisse signale «des réparations et additions» faites par Puget en 1893, la réfection des soufflets «détériorés par la grande chaleur et les rats» l'installation du ventilateur et le relevage de la tuyauterie par M. Firmin en 1928. Vers I935, un pédalier de 30 marches est installé (les sommiers restent à 25 notes, la Tirasse G.O. est portée à 30 notes). Divers petits travaux sont encore signalés en 1953.   Mais depuis une vingtaine d’années, l’instrument n’avait pas vu de facteur, la poussière qui recouvrait tous ses éléments au moment du démontage en octobre 1973, l’atteste avec éloquence.   Les seules modifications apportées à l'instrument de Maucourt par Puget ou Léopold Trosseille, à différentes dates difficiles à déterminer sont les suivantes :   - Suppression de la reprise du Clairon G.O.   - Remplacement de quelques tuyaux du Plein Jeu.   - Mise en place d’un pédalier moderne de 30 marches et de l’Expression à bascule.   - Suppression de l'Orage. Les projets de restauration et d’agrandissement (1972-75)   A la suite de nombreuses et pressantes démarches, le Conseil Municipal de Millau décidait de s’occuper de ce bien communal et après avis de l’organiste titulaire, du clergé paroissial, organisait une consultation auprès des principaux facteurs d’orgues français.    Le 5 mai 1972, les Services Techniques de la ville envoyaient un «Projet de restauration et d’agrandissement des orgues de l’église Notre- Dame, programme des travaux». Ce programme, établi avec le concours de l’organiste titulaire et de quelques spécialistes, prévoyait le relevage habituel, l’amélioration des transmissions et l’augmentation des possibilités de l’instrument. A l‘exception de l’ancienne console, tout le matériel existant devait être soigneusement restauré et réutilisé. Pour améliorer l’instrument, plusieurs solutions étaient envisagées.   A l'évidence, on devait respecter intégralement l'œuvre, le chef-d’œuvre de Maucourt, ne pas toucher à la composition du Plein Jeux, les agrandissements ne pouvaient se faire que par l’adjonction d’un troisième ou même d’un quatrième clavier. Ainsi fut établi un plan d’ensemble des travaux et une composition définitive, prévoyant la mise en place par tranches successives d'un orgue entièrement mécanique, de 4 claviers, 37 jeux et 2 250 tuyaux.   La 1ère tranche de travaux fut seulement réalisée entre 1973 et 1975 par le Facteur Jean-Claude Costa de Mazamet : ajout d’une cymbale au G.O. et construction d’un 4e clavier avec 2 jeux et d'une console neuve de 4 claviers. Les travaux d’harmonisation furent achevés par le Facteur Paul Manuel.   Resté sans entretien pendant plusieurs années, l’instrument inachevé est actuellement (1996) dans un état peu satisfaisant. Répertoire Le Grand Orgue de l’église Notre-Dame de Millau sert principalement la musique romantique et symphonique (c. 1840-1930). Les adjonctions de jeux et le résultat technique des travaux réalisés en 1975 ne sont pas convaincants pour «élargir» les possibilités musicales vers les XVIIe et XVIIIe siècles. Par contre, l’agrandissement de l’instrument dans le style de Maucourt était un projet séduisant... Est-il besoin de rappeler que tout en privilégiant un répertoire, un bel instrument (c’est-à-dire cohérent dans son esthétique et techniquement bien construit) peut servir avec intérêt de nombreux autres styles de musiques anciennes ou contemporaines... Le Buffet «De style néo-gothique, tel qu’on pouvait le concevoir vers 1870-1880 pour s’harmoniser avec l’aspect des voûtes, et de vastes dimensions (5,25 m de large sur 3,20 m de profondeur), il présente trois tourelles, de 5 tuyaux à écussons et 4 plates-faces de 7 tuyaux à ogives. Un pinacle surmonte chaque tourelle que soutient un culot. Les tuyaux de montre (en façade) sont empruntés aux jeux de Montre 8’, Flûte 8’ et Prestant 4’ du Grand-Orgue. L’ensemble est constitué de sapin massif et de moulures rapportées. Tout en haut, le Roi David et Sainte Cécile surveillent le monde sonore qui s’épanouit à l’intérieur.»  Robert Ardourel Cliquer pour agrandir La Console Renseignements pratiques Situation Position en tribune au fond de la nef au-dessus de la porte d’entrée. Propriétaire Commune de MILLAU. Affectataire Paroisse Notre-Dame et Saint-Martin - 15 place Emma-Calvé. Bibliographie - Robert Ardourel : «L’orgue de Notre-Dame de Millau» (1975). Cet ouvrage est disponible auprès de l’association «Arts et Musique». - Philippe Bachet : «Orgues en Midi-Pyrénées», Aveyron - (Inventaire publié par l’association «Orgues Méridionales» - 33 avenue J.-Rieux - 31500 Toulouse). «Thiébaut Maucourt est né le 1er février 1835 à Thann, dans le Haut-Rhin, à l’ombre de la Collégiale Saint-Thiébaut. Son père était mécanicien (peut-être dans la facture d'orgue). Très jeune, vers l'âge de 10 ans, il entre à la maison Cavaillé-Coll.  Apprenti ou Compagnon, il y reste 18 ans. En 1862, on le trouve à Saint- Affrique où, à l'âge de 27 ans, il épouse Françoise Alice Fages, fille d’un marchand de grains. Travaille-t-il encore pour Cavaillé-Coll, nous ne le savons pas. Le premier instrument dont nous avons la certitude qu’il sort bien des ateliers de Maucourt est celui de Nant d ’Aveyron construit cette même année 1862 par son compagnon Jung (ou Junck). Etabli à Albi boulevard Montebello, puis boulevard Magenta, il construit ou répare divers instruments de la région : Castelnaudary, Brens 1864, Saint-Pierre-de-Gaillac 1865, Lezat 1867, Sorèze 1868, L’Isle-sur-Tarn, 1880, Temple de Millau 1881. Dans sa correspondance avec le pasteur de cette ville, il se vante d’avoir une sorte de "monopole" dans le Sud-Aveyron et cite comme référence, outre celui de Notre-Dame, les instruments d’Espalion, Nant et Saint-Affrique. L’orgue de Nant et celui du Temple de Millau sont effectivement de très beaux Maucourt ; les instruments d ’Espalion et Saint-Affrique ont aujourd’hui disparu. L’orgue du Temple de Millau fut sans doute le dernier ouvrage de Maucourt, le 27 janvier 1882, il décédait à Albi à l’âge de 47 ans. La brièveté de son existence, sa modestie naturelle (la plupart de ses instruments ne sont pas signés) et sans doute la rivalité qui l’a opposé à la Maison Puget de Toulouse, et que l’on devine âpre à travers la correspondance qu'il échangeait avec le pasteur de Millau en 1880/81 expliquent l’injuste oubli dans lequel cet artisan consciencieux demeure. Les deux instruments que Millau possède, celui de Nant, ceux de la région albigeoise suffisent amplement à vanter les mérites de ce brillant élève de la Maison Cavaillé-Coll.» (1) Thiébaut Maucourt (2) L’instrument de Thiébaut Maucourt en 1874 CONCEPTION ET REDACTION   Georges LARTIGAU (décembre 1996) PHOTOS   Dominique WEIL (Mission Départementale de la Culture)
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